Une première étude sur l'influence de l'irradiation UV_B sur la concentration de l'ozone troposphérique


version 2.1

Francis Massen
Laboratoire de Physique
Lycée Classique de Diekirch

email: francis.massen@ci.educ.lu

Résumé:

Cette étude compare les variations de l'irradiation UV_B mesurée à la station météorologique du Lycée Classique de Diekirch avec celles des concentrations de O3, NO2 et SO2 mesurées par la station de mesure de Vianden de la Division Air/Bruit du Ministère de l'Environnement du G.D. de Luxembourg.

Elle montre qu'il existe une très forte corrélation positive entre les maxima et les moyennes journalières de l'irradition UV_B et de la concentration d'ozone. Une corrélation statistiquement significative entre les concentrations de l'ozone et des gaz NO2 et SO2 n'a pas pu être trouvée.

1. Objet de l'étude

Les rayons UV_B, qui comprennent les rayons solaires des longueurs d'ondes comprises entre 280nm et 319nm constituent la cause première de la genèse de l'ozone troposphérique [WHO,1994]; si les réactions chimiques complexes aboutissant à la production d'O3 au niveau du sol nécessitent la présence de certains gaz (polluants) comme le NO2 et les hydrocarbures volatils, elles ne sont activées que par les rayons UV_B. Il est souvent tacitement admis que plus la quantité des gaz "précurseurs" comme NO2 est importante, plus grande sera la quantité d'ozone produite; cette hypothèse est à la base des décisions politiques qui imposent différentes restrictions (comme p.ex. celle de la circulation automobile) par temps très ensoleillé, afin d'éviter une création trop importante d'ozone troposphérique.

L'unique expérience de grande envergure pour tester cette hypothèse a été effectuée en 1994 à Neckarsulm/Heilbronn; elle s'est soldée par un échec, en ce sens que les restrictions de circulation et d'autres activités industrielles imposées n'ont pas entraîné des diminutions mesurables de la concentration d'ozone.

On peut se poser alors la question suivante:

Est-ce que la quantité des gaz précurseurs présents dans l'atmosphère n'est pas toujours amplement suffisante pour permettre la création d'ozone par les rayons UV_B, et ceci même dans des régions où l'air est très peu pollué? Dans ce cas, la concentration d'ozone dépendrait pratiquement uniquement de l'irradition UV_B existante, et ne serait pas (ou seulement très peu) influencée par des concentrations plus élevées de gaz précurseurs.

Les mesures faites par le réseau des stations automatiques de mesure de la Division Air/Bruit (M. Serge Solagna) renforcent cette hypothèse [ENVIRONNEMENT, 1994]: lors des années 1993 et 1994, les concentrations maximales d'ozone ont toujours été mesurées à Vianden et à Elvange, régions où les concentrations des gaz polluants NO2 et SO2 étaient faibles comparées à celles mesurées par les 2 stations de Luxembourg-Ville.

L'auteur analysera dans la suite les relations entre l'irradiation UV_B mesurée à Diekirch (à env. 12km de Vianden) et les concentrations de O3, NO2 et SO2 mesurées aux mêmes instants à Vianden. L'étude est réalisée à l'aide des données des mois de juillet et août 1994 et se base sur 1488 cas.

2. Corrélations entre c(O3), c(NO2), c(SO2) et irradiation UV_B

L'analyse statistique fournit les résultats suivants:

Puisqu'il n'y pas de rayons UV_B en absence de la lumière du soleil, il semble important de faire l'étude ou bien sur les valeurs journalières maximales, ou bien sur les valeurs journalières moyennes.

Les calculs montrent que les seules corrélations significatives sont celles entre l'irradiation UV_B et la concentration de l'ozone; les concentrations des polluants NO2 et SO2 n'ont pas eu d'effet à Vianden sur les concentrations d'ozone!

Les figures suivantes représent graphiquement la relation entre valeurs journalières moyennes ou maximales de la concentration du O3 et de l'irradiation maximale. Les indications UV_B sont données en [W/m2]; par suite de spécificités du capteur utilisé, il faudra multiplier par environ 0.25 les valeurs UV_B pour obtenir l'irradiation correcte dans l'intervalle [280..319nm]; ceci n'a pas été fait, puisque la multiplication par un facteur constant n'a aucune influence sur les résultats de l'analyse.


fig.1: Relation entre concentrations journalières maximales d'ozone et irradiation journalière maximale d'UV_B


fig.2: Relation entre concentrations journalières moyennes d'ozone et irradiation journalière moyenne d'UV_B

3. Synchronisme entre valeurs maximales du c(O3) et de l'irradiation UV_B

Les concentrations maximales de l'ozone ne se retrouvent qu'après un laps de temps de 3.2 heures en moyenne après les maxima UV_B; ceux-ci sont mesurés en général vers 13:00 UTC, tandis que les maxima d'ozone sont observés vers la fin de l'après-midi (env. 16:15 UTC, c.à.d. 18:15 heure d'été locale). Les figures 3 et 4 montrent respectivement les variations du c(O3) et des UV_B pour 7 jours à partir du 22 juillet 1994, ainsi que la série chronologique des retards horaires entre les maxima. Ces retards sont probablement dus à des phénomènes convectifs dans la très basse atmosphère.


fig.3: Variations journalières des concentrations d'ozone et de l'irradiation UV_B pour 7 jours.


fig.4: Variation chronologique du retard horaire entre les instants de concentration d'ozone maximale et d'irradiation UV_B maximale.

4. Conclusions

L'étude démontre que l'irradiation UV_B est le facteur essentiel qui influence positivement la concentration d'ozone troposphérique à Vianden.

Elle montre qu'une l'influence de la concentration du gaz précurseur NO2 sur la concentration de l'ozone ne peut pas être établie; on ne peut donc pas affirmer qu'à Vianden la concentration de l'ozone augmente avec celle de ce gaz.

Il est très improbable que la situation à Luxembourg-Ville (pour laquelle on ne dispose pas de mesures UV_B) soit régie par des relations différentes de celles qui agissent à Vianden. Il est donc très peu probable que des mesures de réduction des gaz précurseurs (comme NO2) à Luxembourg (à obtenir par des restrictions de la circulation automobile) provoquent une diminution de la concentration de l'ozone local par temps de plein soleil. Le contraire peut même arriver: puisque les gaz polluants créent un écran qui réduit la pénétration des rayons UV_B [UNEP/WMO, 1994; BERGER,MORYS, 1992]; il est donc tout à fait possible que la disparition de cet écran entraîne une augmentation de la concentration de l'ozone à Luxembourg-Ville.

Diekirch, le 1er mai 1995

Francis Massen prof. de physique responsable de la station météorologique du LCD

Remerciements:

L'auteur voudrait remercier M. Serge Solagna de la Division Air/Bruit du Ministère de l'Environnement pour la mise à sa disposition des données de la station de mesure de Vianden.

Il voudrait remercier également M. Nico Harpes du Service de Radioprotection pour son aide efficace apportée à la solution de problèmes de mesure UV.

Références:

BERGER, Daniel; MORYS, Marian:

[SOLAR LIGHT Company; http://www.voicenet.com/DVbiz/solar/]

UV_Biometer- A broadband instrument complementing ozone measurements with ground based UV exposure [Quadrennial Ozone Symposium, Charlottesville, 1992]


ENVIRONNEMENT:

Rapport d'activité 1993

[Ministère de l'Environnement, G.D. de Luxembourg, mars 1994]


UNEP/WMO:

Surface Ultraviolet Radiation

[UNEP/WMO Ozone Assessment 1994; UV effects]


WHO:

Ultraviolet Radiation

[Environment Health Criteria 160, WHO, 1994]


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